Le silence d’Émara
Il s’appelait Émara. Étant le seul enfant de ses parents, il avait toujours reçu toute l’attention dont il avait besoin, et même plus. Cette situation, que certains lui enviaient, ne lui faisait guère plaisir. Il avait toujours voulu un petit frère. C’est donc seul que le jeune garçon grandit dans la plus grande cité du continent. Bien sûr, il réussit à se faire quelques amis, mais il parvenait rarement à avoir de longues discutions avec eux car on lui reprochait souvent de trop parler et de ne pas assez écouter.
Ses parents insistant beaucoup sur son éducation, Émara fréquenta la plus grande école des alentours. Le jeune homme avait pris l’habitude de revenir de son école en suivant un chemin très peu fréquenté. Un jour comme tous les autres, un homme à l’allure étrange, qu’il croyait être un vagabond, se mit à lui parler. Émara poursuivi sa route en l’ignorant. Étrangement, le vieil homme continuait de lui parler et le suivait sur son chemin. Émara acquiesça d’un signe de tête aux propos de l’étrange personnage espérant qu’il le laisserait tranquille. Mais le vieil homme continuait son discourt. Émara lui demanda ce qu’il lui voulait et ne prit même pas la peine d’écouter sa réponse, répliquant que ça ne l’intéressait pas du tout. Ces paroles semblèrent affecter le vieillard qui se mit en colère. Peu à peu, Émara s’aperçu que le volume de voix de celui qui lui parlait depuis déjà cinq minutes réduisait de plus en plus. Puis, le silence se réinstalla dans la ruelle et l’homme s’éloigna, au grand plaisir d’Émara.
Alors qu’il rentrait chez lui, Émara fut surprit de ne pas entendre ses parents le saluer en franchissant le pas de la porte. Il cru qu’ils étaient sortis faire des courses mais en avançant vers la cuisine, il les vit assis à la table. Leurs lèvres remuaient mais aucun son ne sortait de leur bouche. Émara leur demanda pourquoi ils remuaient ainsi les lèvres et ses parents affichèrent une expression de questionnement. Ils semblèrent lui poser une question mais toujours aucun son ne sortait de leur bouche. Émara fut pris de panique et il se rendit au centre de la cité pour entendre le brouhaha de la ville.
Malgré le va-et-vient des passants et les hurlements des marchants voulant vendre leurs babioles, la ville était silencieuse comme une douce nuit d’hiver. Tout à-coup, Émara se rappela le vieil homme de la ruelle. Il couru à toutes jambes vers l’endroit où il avait vu l’homme mais ne pu le retrouver. Il s’était éclipsé comme l’ouïe d’Émara.
Découragé, Émara se rendit à la rivière où il avait l’habitude de venir avec ses parents durant son enfance. Depuis qu’il avait dépassé l’âge des promenades familiales, il y venait lorsqu’il voulait se retrouver seul. Et en cette journée, il se sentait seul comme jamais. Ne plus pouvoir entendre personne lui pesait énormément. Il regarda un chien courir vers lui, une balle dans la gueule… Le chien jeta sa balle devant Émara qui cru l’entendre japper. Sûrement n’était-ce que son imagination… Puis il se demanda si ce qui lui manquait au fond c’était d’entendre les autres ou de ne plus pouvoir entendre les réactions des autres face à ses propos. Cette pensée le percuta de plein fouet. Le chien jappa à nouveau et Émara décida de lui lancer la balle. Le chien couru à sa poursuite. Puis une autre pensée vint à l’esprit d’Émara. Il venait d’écouter un chien qui voulait qu’on lui lance la balle, mais avait refusé, quelques heures auparavant, d’écouter un être un humain qui avait peut-être besoin d’être écouté.
Émara rentra chez lui avec la ferme intention d’écouter quiconque s’arrêterait sur son chemin… Mais il était trop tard, le vieux fou était parti avec son ouïe et il ne pourrait jamais plus entendre quoique ce soit.
Émara salua ses parents en entrant chez lui et il cru entendre sa mère lui murmurer qu’elle était inquiète de l’avoir vu partir si précipitamment plus tôt. Il la croisa dans la cuisine et la regarda fixement. Ses lèvres remuaient encore et Émara se concentra pour écouter ce qu’elle lui disait. Peu à peu, le volume se voix augmentait. Plus elle parlait fort, plus Émara souriait et finalement, ce que disait sa mère devint très compréhensible. Il lui raconta toute son histoire et sa mère ne sembla pas le croire… Elle lui dit simplement d’aller au lit et de se reposer jusqu’au lendemain matin. Émara l’écouta avec grand plaisir. Avant de s’endormir, il écouta chaque petit son dans la maison… Et les mots que ses parents s’échangeaient furent la plus belle berceuse à ses oreilles.
Thème inspiré par Bryan Bell.